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Marchandises émotionnelles

  • BMW est une marque allemande aussi réputée pour ses automobiles que pour ses motocyclettes.
  • En moto, c’est la fiabilité, la rigueur toute germanique dans la manière de concevoir un produit fonctionnel avant tout, qui a fait sa réputation et son identité de marque. Imaginer un contraire nous amènerait sans doute chez Ducati, bien que l’exigence, certes traduite différemment, rassemble les deux griffes.
  • BMW a renversé la vapeur en 2013 avec la Nine T. Une moto qui en appelait à l’émotion, quand la marque avait toujours fonctionné sur la raison.
  • Avec la R18, présentée dans ce film, la firme allemande ne fait qu’exploiter la même approche, mais en poussant les curseurs un peu plus loin. Ce n’est pas le seul point surprenant.
  • BMW tourne le dos à la performance. Evidemment le moteur est énorme et l’engin accélèrera fort, mais la conception globale la destine au cruising.
  • La puissance « ressentie » est un élément majeur de cette moto. C’est l’émotion associée, provoquée, davantage que les performances réalisées, qui conditionnera son achat.

Marchandise émotionnelle donc. Purement émotionnelle. La moto n’est effectivement pas un « produit » comme un autre. « Marchandises émotionnelles » est aussi le titre d’un essai de la sociologue Eva Illouz.

Le propos du livre est le suivant :

Des stations du Club Med à la musique d’ambiance diffusée dans nos écouteurs, en passant par les guides de psychologie positive et la valorisation de sentiments archi-spécifiques par l’industrie des cartes de voeux, la consommation et les émotions sont désormais entièrement intriquées.

C’est là un trait fondamental de notre modernité. Une modernité qui nous demande d’être parfaitement rationnels et, dans le même mouvement, de chercher sans relâche à intensifier nos émotions. Ce paradoxe est rendu possible par le fait que les émotions et les marchandises, sont désormais coproduites, jusqu’à générer un type de produits inédit et jusqu’à présent jamais étudié : les marchandises émotionnelles. Cet ouvrage collectif, initié et dirigé par Eva Illouz, montre comment ces nouvelles marchandises produites par des industries aussi diverses que celles du tourisme, de la musique, du cinéma, du sexe ou des psychothérapies visent à transformer et à améliorer le moi. Il pointe ainsi une caractéristique majeure de nos sociétés, interrogeant avec profondeur en se gardant de tout jugement l’authenticité de l’individu moderne.

Dans le monde de demain, personne, à part quelques illuminés, ne souhaite revenir à la Trabant 601 , inverse du produit émotionnel, à la fois voiture culte et emblème de la faillite d’un système de pensée. Il faudra cependant, c’est notre intime conviction, que le storytelling trouve un nouveau souffle, fasse aussi appel à, si ce n’est notre raison, à nos valeurs et nos désirs d’un monde plus responsable.

On peut apprécier l’engin, cette moto est absolument fabuleuse, et s’interroger sur la stratégie, interroger l’avenir.  La BMW R18 est parfaitement représentative d’une tendance que dénonçait déjà Bloomberg, il y a quelques années dans l’article.  « Can millennials save the motorcycle industry ? ». Vouloir continuer à vendre des motos de plus en plus « grosses », aura ses limites. Ce modèle illustre la schizophrénie des fabricants. Moins de performance « activable » puisque rouler à 250 km/h est devenu socialement inacceptable mais des moteurs de plus en plus gros car l’influence américaine a du poids. 

Dans nos sociétés l’émotion est devenue un levier d’achat systématique. Parfois, elle nous comble, mais nous égare tout autant. Terminons sur trois idées :

  • On ne changera pas le monde sans changer la place de la consommation.
  • Si le récit accompagne toujours l’objet, quel storytelling pour demain ?
  • Quelles seront les valeurs fortes à remettre en avant ?

La puissance… symbole du 19 ème et du 20 ème siècle n’en fera peut-être pas partie. 

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