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Plus intense, plus court, plus simple. Quand le sport en revient au jeu. Et à la rue

Le sport est en mutation, il se fragmente au bon sens du terme, se réinvente par bloc. En partie au moins.  S’il fallait faire un parallèle cinématographique, le sport passe du long métrage aux séries. Ou de la musique classique à des boeufs plus spontanés, moins académiques. À vous de choisir votre format. Le court, l’intense, c’est le Foot à 5, le basket 3×3, le padel ou le Hand à 4. La liste n’est pas exhaustive. On pourrait parler de Parkour, de Tricking, des nouvelles formes de grimpe urbaine mais le plus significatif est la mutation des sports traditionnels.

Que se passe-t-il  ? C’est assez simple. On en revient au jeu dont la définition est limpide  : « activité physique ou mentale dont le but essentiel est le plaisir qu’elle procure. »

C’est le retour à des «parties» plus qu’à des matchs, à des échanges intenses dans certains cas, moins cadrés, plus intuitifs, sur des terrains plus petits, qui ouvrent de nouvelles possibilités. C’est le retour du plaisir, le recul de l’enjeu, de la prise de tête.

Le sport se simplifie, les formats se raccourcissent, l’accès est plus instantané. Le succès du padel est, en partie, dû à cette simplification du jeu, l’engagement n’est plus un sas d’entrée incontournable,  le padel se joue à 4, c’est plus convivial, sur un terrain plus compact.

Même si la compétition est présente, il y a des gros enjeux coté diffusion et développement, ne soyons pas naïfs. Ces nouvelles déclinaisons sont malgré tout une façon de désarrimer la pratique de compétitions «  totems  », les grandes messes, qui pèsent de tout leur poids médiatique mais qui n’ont pas qu’une influence positive. On pense à Rolland Garos pour le tennis. Quoiqu’on en dise, l’ultra haut niveau et les sacrifices associés ne font pas rêver tout le monde. Rappelons-nous, par ailleurs, les déclarations d’André Agassi (je déteste le tennis) ou de Laure Manoudou (je n’ai jamais aimé nager). D’ailleurs,  La FFT a fini par vendre les droits de Roland Garros (juillet 2019) mais pas comme elle l’aurait espéré. Les temps de jeux qui s’éternisent ont été des facteurs de réticences.

Côté basket, le 3×3 se rapproche aussi de l’esprit du jeu de rue : espace réduit, temps de jeu plus court, importance du mouvement, de l’instantanée, engagement maxi. Un sprint comme le disent ces promoteurs. Des paramètres qui sont dans l’air du temps. En 3×3, il n’y a qu’un panier, la partie fait dix minutes ou 21 points. La vague NBA des années a laissé des traces, la fédération de basket se porte bien, mais la culture playground n’a pas aussi bien pris que ce que l’on aurait souhaité. Le 3×3, émulation des pratiques de rues, peut répondre aux nouvelles attentes, en s’appuyant sur les possibilités du digital. Un panier, six complices, un smartphone. L’imaginaire est là.   

Les matchs s’éloignent de stades et rapprochent aussi des lieux de vie. Ils en rapprochent aussi la pratique, la facilité, la rendent aux « pratiquants » dont tout le monde sportif se réclame mais toujours en essayant de lui appliquer un système vertical.

On en revient d’une certaine manière aux origines. Au jeu. Tout commence un jour, pour une immense majorité, devant chez soi. Dans une rue, puis dans une cour d’école. Tout commence par un jeu. Avec les formats courts, les pratiquants s’affranchissent aussi de l’académisme pesant qui transforme le jeu en sport en le lestant de toujours plus d’obligations. Et réinvestissent dans un sport qui s’ouvre sur le culturel avec des liens avec la musique et l’art quand les grands événements ne savent plus parler que de résultat. Nike, Adidas, Under Armor l’ont saisi depuis longtemps.

Beaucoup de sports sont redevables à la rue, on a tendance à l’oublier. Quand il privilégie le football total, Johan Cruyff devenu entraineur, se rappelle de son enfance et va y puiser l’inventivité, la rapidité, l’audace. C’est ce qu’on peut lire dans l’excellent numéro d’été de So Foot sur le football de rue. Ce numéro publie aussi les témoignages de Neymar, Ronaldinho, Dybala, Corchia, Tevez ou Ben Yedder qui expliquent tous pourquoi c’est le jeu de rue, ses contraintes mais aussi ses spécificités qui leur a tout appris.

So Foot parle aussi « terrain ». Montre l’importance qu’ont eu les spots de rues comme la dalle des Bosquets aux Ulis, Le Play à Evreux, La Poste au Havre, la place des Flanades à Sarcelles, décrypte aussi sans complaisance le phénomène des City Stades lancés dans les années 90. L’analyse ne se limite évidemment pas à l’hexagone. So Foot nous emmène en Angleterre avec l’exemple de South London, explique aussi le phénomène des Oratoris italiens. On plonge aussi dans les favelas.  Le scénario est très similaire finalement.

Une autre liste, similaire, pourrait être faite pour les playgrounds de basket même si l’ampleur n’a pas été la même. Le terrain du quartier, pas nécessairement « règlementaire », loin de l’être, est souvent le vrai centre de gravité d’un sport en local. On pourrait citer le terrain Duperré à Paris.

Dans notre société moderne, le temps est une denrée rare. Dans les villes, l’espace disponible également. Les terrains ne sont pas toujours accessibles, disponibles, adaptés aux besoins qui n’ont pas manqué d’évoluer. Les règles traditionnelles, les formats figés n’ont pas manqué de poser des problèmes à ceux qui avaient surtout besoin de spontanéité, d’innovation, d’intensité et qui devaient plaquer leur « jeu » hors des espaces officiels.

Le sport se réinvente en s’inspirant de la rue. Ce n’est pas nouveau, les origines du foot à 5 remontent à l’Uruguay des années 30, même si les gamins le redécouvrent en Europe (milieu des années 2000 en France, bien plus tôt en Angleterre) grâce aux salles privées qui se multiplient. Et le Basket 3×3 propulsé par la volonté de la FIBA d’innover va chercher son inspiration dans les playgrounds et la rue.

Le mot de la fin à Ada Colau, maire de Barcelone qui a exigé que les panneaux «  jeux de ballon interdits  » soient retirés des rues et des places, pour que les enfants soient libres de jouer comme ils souhaitent. À quoi sert le sport qui se regarde si il est déconnecté du sport qui se pratique. Nous avions parlé du poids des interdits (analyse VISION) dans le sport urbain.


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