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Comment parler de performance demain ?

Head, la marque de ski, en appelle à Porsche pour « matérialiser » la performance. La performance est devenue un mot « totem », un mot qui résume, qui parfois raccourcit, mais un mot qui fait vendre. On achète un objet "performant", même si parfois les contours de cette qualité sont flous et s’accompagnent d’une exigence à laquelle le consommateur ne pourra pas répondre. La performance est aussi devenue un statut que l’on se procure.

Le propos qui suit ne concerne pas uniquement cette vidéo, mais elle a le mérite de l’illustrer parfaitement.

Head, la marque de ski, en appelle à Porsche pour « matérialiser » la performance. En l’occurrence, une bonne vieille 953 du Dakar de 1984 dans ce cas de figure, devenue une série limitée de 911 que la marque allemande a présentée fin 2022. Elle flirte avec l’idée du SUV puisque c’est un modèle surélevé doté de roues de diamètre plus important.

Alors que la critique d’une voiture quatre roues motrices de 600 CV, de 125 000 euros glissant sur les pistes enneigées est facile, essayons d’aller au-delà.

La performance est non seulement un grand marqueur du sport, mais aussi de l’époque, elle est emblématique du 20ᵉ siècle. Concrêtement, le mot désigne le résultat obtenu par un(e) athlète, une équipe dans une épreuve sportive, un exploit sportif, mais aussi le rendement, une capacité très élevée ou exceptionnelle d’une machine, d’un objet ou d’un matériau.

La performance est devenue un mot « totem », un mot qui résume, qui parfois raccourcit, mais un mot qui fait vendre. On achète un objet « performant », même si parfois les contours de cette qualité sont flous et s’accompagnent d’une exigence à laquelle le consommateur ne pourra pas répondre. La performance est aussi devenue un statut que l’on se procure.

Porsche personnifie la performance automobile, l’aboutissement mécanique. La marque allemande réussit en fait à fixer autour de son nom la performance sportive glanée sur les circuits du monde entier et l’idée d’aboutissement mécanique, donc la performance de l’objet, des ingénieurs, des modes de mise en œuvre, des matériaux. On ne peut être qu’admiratif d’une telle réussite. L’impact de la marque est démultiplié puisque le récit automobile a dominé et profondément marqué ce même 20ᵉ siècle, raison pour laquelle vouloir imager la performance peut se traduire par … filmer une Porsche. C’est le raccourci que fait Head qui ne parle pas produit mais qui se limite au parallèle et parle de collaboration. Genre « nous et Porsche on se comprend, nos skis sont fait du même métal ». Ensuite s’ajoutent des considérations de contexte. Le ski tend vers un marché haut de gamme, Porsche une fois encore est en phase puisqu’il y a une similitude de positionnement et de clientèle visée.

Or, même s’il nous paraît difficile, voire illusoire d’abandonner l’idée de performance, intimement liée à la notion de progrès (croissance, amélioration globale), lui-même consubstantiel à la société occidentale moderne, on peut quand même constater qu’elle appartient à un système de pensée qu’il faudrait à minima interroger. Que cette philosophie globale nous a amené – au moins en partie – à faire face à certains problèmes. Un climat qui se modifie par exemple. Ni le sport, ni l’humanité ne pourront aller d’une manière infinie « plus vite, plus loin, plus haut ».

La performance est quasiment le liquide amniotique dans lequel baigne le sport d’aujourd’hui, mais l’embryon (c’est une image, mais le sport au regard de l’histoire est récent) devra apprendre à vivre autrement. Pour l’instant, c’est difficile à imaginer, peut-être pourrait-on au moins commencer par parler de performance soutenable, c’est-à-dire plus vite, plus haut, plus fort, mais pas à n’importe quel prix. Un contre-exemple, le yoga pour lequel la performance n’existe pas.

Sans doute faudrait-il un rapport impact/performance, et pourquoi pas, même si nous aimons le sport mécanique, arrêter de filmer une Porsche pour vendre des skis. À noter que la Duotone Academy (kitesurf notamment) a également un partenariat avec la marque allemande.

L’idée n’est vraiment pas de vomir sur l’automobile (nous reparlerons très bientôt de la polémique ayant (brièvement) agité le milieu de l’ultra-trail récemment) car la voiture en tant que moyen de déplacement est là pour durer, tant hors des grandes agglomérations et dans certains pays, on imagine mal comment faire sans, même s’il faudra apprendre à moins la systématiser. L’idée est de dire comment pouvons-nous « moins » nous focaliser sur la performance absolue, quel récit alternatif tenir.

C’est de la stratégie de marque, c’est du marketing, c’est aussi une forme de lucidité tournée vers l’avenir. C’est aussi du sens du sport dont il s’agit.

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