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Réflexions alternatives sur le Vendée Globe

À propos des cockpits d’aujourd’hui

Maxime Sorel n’a pas eu de chance. Dès le début de l’épreuve, il se blesse à la cheville et fait face à un problème mécanique majeur : sa grand-voile reste bloquée le long du mât. Une vidéo le montre casqué, harnaché comme un alpiniste en haute montagne, de retour dans son cockpit ultra-moderne. Il sera contraint à l’abandon dès le lendemain.

Attardons-nous avec lui à bord. Aujourd’hui, le centre névralgique d’un Imoca est dépouillé à l’extrême. L’atmosphère y est proche de celle d’une voiture de course, voire d’une navette spatiale. C’est spartiate, froid, technologique, entièrement conçu pour l’efficacité. L’intérieur d’Hugo Boss, par le passé, avait déjà marqué une profonde évolution des postes de pilotage. Désormais, presque tout est accessible de l’intérieur, car ces bateaux sont conçus pour la vitesse. Le « dehors » n’a plus rien à voir avec ce que connaissait Moitessier.

L’habitacle a également beaucoup évolué sur les Ultims pour les mêmes raisons. Le cockpit façon aviation du trimaran Lazartigue en est un bon exemple, tout comme le volant de l’Hydroptère, chargé de symbolisme à son époque.

La voile de course s’est éloignée de l’imaginaire de la voile de plaisance.

Ce constat, loin d’être une critique, révèle un changement profond : d’un côté, on a la Formule 1 ou les 24 heures du Mans ; de l’autre, un univers plus proche d’une van life embourgoisée. Le parallèle entre le Vendée Globe et l’Everest n’est peut-être pas le plus pertinent. L’épreuve ressemble davantage au Dakar, malgré l’image vieillissante de ce dernier. On notera que l’image de « l’aventure » est ce qui a transformé le marché de la moto (ainsi que l’offre) ces dix dernières années.

La vitesse renouvelable

Il y a quelques années, lors d’une intervention à Lorient sur la course au large, nous avions observé que la voile incarnait la quête de vitesse, symbole du XXe siècle. Que le moment n’était peut-être pas le mieux choisi puisqu’on parlait de décroissance et de ralentissement. Il faut nuancer ce constat : elle pourrait aujourd’hui symboliser une vitesse non mécanique, une vitesse renouvelable, alignée avec les enjeux environnementaux actuels.

En SailGP ou en America’s Cup, les vitesses élevées ont transformé les bateaux, leur ergonomie et leur manière d’être pilotés. Le casque, le masque, la radio, le gilet d’impact et la réserve d’oxygène ont remplacé la veste de quart et les cheveux au vent. En Imoca, les skippers témoignent de plus en plus de la dureté de leurs machines. Aujourd’hui encore, ce sont souvent les bateaux qui cassent ou se fissurent – comme l’a récemment vécu Louis Burton. Mais à l’avenir, on peut imaginer que les abandons dus à des blessures ou à des contraintes excessives (bruit, chocs, manque de repos) deviennent plus fréquents, comme dans d’autres disciplines d’endurance.

La voile à deux vitesses

Ce 19 novembre, Jean Le Cam est en tête. À la barre de son Imoca à dérive droite – une formule aussi peu élégante que le terme « vélo musculaire », désignant l’absence de foils – le vieux loup de mer mène au général. Cela rappelle que deux « ligues » cohabitent dans ce Vendée Globe, comme dans bien d’autres compétitions : une élite disposant des moyens techniques et physiques pour gagner, et un second groupe évoluant dans une autre dimension. Plus modeste mais qui faut aussi exister la course.

À l’avenir, on pourrait imaginer un « indice énergétique », mesurant la performance au regard de l’impact carbone de chaque projet, incluant la construction et les moyens engagés.

La dimension survie

L’essence du Vendée Globe réside aussi dans sa dimension survie. À ce titre, Louis Burton semble bien parti pour décrocher le titre officieux de Monsieur Bricolage 2024. Victime d’une avarie structurelle majeure, il partage sur les réseaux sociaux une vidéo impressionnante de sa réparation.

Bien que la voile n’ait pas vocation à devenir un sport mécanique, la dimension matérielle reste fondamentale. Cette exigence de solitude dans tous les sens du terme oblige les skippers à réparer eux-mêmes, symboliquement à survivre avec les moyens du bord – et c’est là que réside toute la magie de cette épreuve.

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